Festival FURIES : l’édition de l’intime

©Marie-Josée Lemieux

Le festival de danse contemporaine FURIES revient pour une 6e édition en Haute-Gaspésie, du 24 au 27 juillet. Au programme, plus de de 55 artistes en provenance du Canada, de l’Espagne et de la Belgique. En plus des 16 productions professionnelles, Furies proposera aussi des ateliers, baignades, causeries, soirées et bien plus. Une édition pour « se reconnecter à notre humanité » selon la codirectrice artistique du festival, Priscilla Guy.  

Bref historique du festival

C’est en 2019 que la première édition de FURIES voit le jour, sous l’initiative de Priscilla Guy, artiste en danse contemporaine qui vient alors de déménager de Montréal à Marsoui, en Haute-Gaspésie. « À travers les nombreuses tournées in situ que j’ai fait, j’ai pu voir que le public avait envie de voir de la danse. Je voulais alors aller à la rencontre de ces publics, parfois moins habitués à la danse, de manière originale, inattendue », se souvient-elle. Ainsi, pour le lancement du FURIES, Mme Guy décide d’investir différents lieux du village de 250 habitants et de proposer cinq productions. « Des gens de la danse ont fait le déplacement, mais pas que. Il y a des curieux qui ont fait 3h de route pour voir ce qu’il se passait à Marsoui. Les gens criaient devant certains spectacles alors je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à développer », poursuit-elle.

Invité comme chorégraphe pour la première édition, Sébastien Provencher s’est rapidement greffé à l’équipe de direction artistique. Peu de temps après, Karla Etienne a rejoint ces deux compères. Ainsi, c’est la 4e édition que les trois artistes organisent ensemble. « On a des parcours et des goûts très différents tous les trois. C’est vraiment intéressant d’avoir cette vision à trois têtes. Ce qui nous relie, ce sont les valeurs qu’on veut mettre de l’avant et notre éthique de travail aussi », élabore Mme Guy.

Ainsi, aucun thème n’est décidé d’avance pour le festival. Ce sont seulement des coups de cœur de l’équipe artistique qui sont présentés à Marsoui. « On aime aussi déterrer des pépites qu’on considère n’avoir pas été assez vues. C’est assez rare qu’on rediffuse des œuvres à Montréal ou ailleurs au Québec alors c’est un créneau intéressant pour nous, affirme la codirectrice artistique. On offre aussi des cartes blanches à certains artistes qui doivent alors investir un lieu. Enfin, certaines pièces en tournées font aussi un arrêt au festival. On joue vraiment sur le mélange des temporalités : des œuvres oubliées, remastérisées, actuelles et exclusives ».

La création in situ a gardé une place importante dans le festival. Pour Priscilla Guy, c’est une manière d’aller à la rencontre de publics qui ne vont pas en salle », mais pas seulement. « C’est aussi un peu une nécessité pour nous de valoriser ce format-là, car il y a très peu de salles de diffusion de spectacle. On arrive à transformer certains lieux, comme un centre récréatif par exemple, mais sinon les autres endroits où ont lieu les spectacles, c’est la plage, le gazebo près de la rivière, le pit de sable, etc. On a donc besoin de pièces dans ces lieux-là, développe-t-elle. Quand on voit une œuvre, on pense à ça donc il y a toujours une réflexion avec l’artiste sur le choix du lieu, mais aussi sur l’impact sur son œuvre. Parfois, ça ne change presque rien à la création, parfois ça propose une réécriture, parfois ça la change complètement. Il y a même eu des fois où les artistes ont tellement aimé la version in situ qu’ils sont ensuite partis en tournée avec cette nouvelle version ».

©Moise Marcoux Chabot

Les enjeux d’un événement en région

Dès sa première édition, le festival FURIES a dû faire face à de nombreux défis, notamment celui des infrastructures. « C’est plus facile d’y avoir accès, mais existent-elles ? Parfois, oui, mais elles sont complètement désuètes. Dans ce cas, on fait quoi ? Dans notre cas, on a entièrement retapé un petit bâtiment vacance pour en faire notre quartier général par exemple, mais ce n’est pas quelque chose qu’on pensait faire en lançant un festival au départ », explique Priscilla Guy. De plus, la vente de billets reste aussi en enjeu pour un festival localisé dans un village. « Les gens n’ont pas toujours d’argent pour aller voir des shows donc on propose du gratuit, c’est certain, mais c’est plus difficile pour financièrement s’en sortir », ajoute-t-elle. La population vieillissante explique aussi cette difficulté à remplir les soirs de spectacles selon la codirectrice artistique du festival. « À Montréal, l’âge médian est de 38 ans, en Haute-Gaspésie, c’est 59 ans. D’un côté, c’est super pour avoir des retraités qui viennent faire du bénévolat avec nous, mais quand on regarde à Montréal la population qui consomme des spectacles, c’est des étudiants, des jeunes. Ici, les cégeps et universités se trouvent à des centaines de kilomètres. Cet enjeu démographique est assez invisibilisé et a un impact sur notre mandat d’offrir de l’excellence en danse en région, déplore-t-elle. Cependant, on est chanceux car nos spectacles affichent presque toujours complet ! ».

Malgré les difficultés, de nombreux avantages ressortent aussi de cette aventure artistique. « Obtenir des permissions, l’accès à des équipements ou des lieux est beaucoup plus facile. On peut discuter avec le Conseil de ville à 24h de délai et de façon très franche, directe. On a un lien très direct et étroit avec les élus. C’est n’est pas quelque chose qui serait vraiment possible à Montréal », raconte Mme Guy.

De plus, l’offre culturelle étant encore mince en région, un festival comme FURIES est « très apprécié ». « Les gens veulent voir de l’art et rien ne se dédouble tellement il y a des manques ici donc c’est très motivant. Si on écoutait la demande, on ouvrirait une école de flamenco, de streetdance, 3 autres festivals, etc. De plus, c’est un vecteur de développement économique important. On est devenu des pourvoyeurs d’emplois », poursuit-elle. Autre avantage, et non le moindre selon la codirectrice artistique, l’environnement qui « transforme la perception de la danse ». « Travailler dans des paysages si majestueux, ça change tout et ça, ce n’est pas envisageable en ville », termine-t-elle.

©Fanny Basque

2025, un festival en pleine expansion

Bien que l’équipe artistique ne souhaite pas imposer de thème pour le festival, celle-ci a vu des thématiques se dégager « naturellement » après avoir fait la programmation. C’est alors l’intime qui revient comme enjeu central cette année. « On a beaucoup d’œuvres qui abordent une écriture de l’intime, des autobiographies, des approches documentaires, mais aussi l’intimité dans le dévoilement du corps, le fait d’être au plus près de la peau », raconte Priscilla Guy.

Pour elle, cette édition fera particulièrement du bien dans la période géopolitique complexe qui nous entoure. « On parle beaucoup d’enjeux globaux dans nos médias, en famille, entre amis, alors revenir à l’intime, à une échelle plus proximale, je pense que c’est un geste radical de soin. Se reconnecter à notre humanité et à notre empathie, c’est important. Les enjeux de grandes échelles font en sorte qu’on perd parfois le sens des choses, qu’on a de la misère à trouver du sens. C’est une édition lumineuse, engagée à bien des égards, mais à une échelle humaine », décrit-elle.

Pour la deuxième année consécutive, FURIES accueillera aussi des artistes internationaux et pour la toute première fois, des diffuseurs venus de l’étranger. « On consolide cette année notre volet international. C’est un énorme succès d’avoir mobilisé des professionnels d’ailleurs qui sont prêts à voler jusqu’à Montréal puis parcourir 800 km pour arriver à Marsoui. C’est un réel engagement de leur part, se réjouit la codirectrice artistique. On les a choisis parce que les œuvres présentées cette année peuvent les intéresser. Ça démontre aussi une crédibilité accrue du festival et une reconnaissance au-delà des frontières dont nous sommes très fiers ».

Malgré ce développement important, Priscilla Guy souhaite que FURIES garde ses valeurs. « On veut croître, mais sans devenir plus gros. C’est important de garder notre chaleur, de ne pas monopoliser les installations et de rester qualitatif », précise-t-elle.

Côté public, FURIES connait un engouement répété et accentué chaque année. L’an dernier, le festival a affiché 725% d’augmentation en termes d’achalandage depuis la première année. Selon la codirectrice artistique, l’audience n’est pas toujours la même et est très diversifiée. « On compte environ 20% ou 30% de gens de Montréal et du milieu de la danse, un autre tiers venant de la Gaspésie et le dernier d’autres régions du Québec, des vacanciers, et autres, conclut-elle. On a aussi nos habitués qui viennent depuis cinq ans et des gens qui tombent par hasard sur le festival, parfois même des gens qui n’ont jamais vu de danse de leur vie. Souvent, les mêmes personnes assistent aux mêmes spectacles. Ça crée une sorte de parcours et de petites communautés prennent vie. C’est vraiment beau à voir ».

Festival FURIES
Du 24 au 27 juillet
En Haute-Gaspésie

https://furiesfestival.com/

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