Mouvement Perpétuel : 25 ans de ciné-danse
Image tirée du film Bhairava
Le collectif de ciné-danse Mouvement Perpétuel souligne cette année ses 25 ans d’existence. Formé par le duo montréalais Marlene Millar et Philip Szporer, il a au fil des années créé des œuvres documentaires sur de nombreux mouvements de danse, enjeux et personnalités. Hong Kong, Vancouver, Barcelone, à l’occasion de cet anniversaire, une tournée mondiale rétrospective a été organisée. Celle-ci s’arrêtera à Montréal le 8 janvier prochain avant de reprendre la route.
« L’idée derrière cette grande tournée, c’était de retourner dans des festivals qui ont déjà diffusé nos œuvres, mais aussi des lieux où on a toujours voulu en présenter, explique l’un de deux cofondateurs de Mouvement Perpétuel, Philip Szporer. En plus des visionnements, on vient aussi donner des ateliers et participer à des colloques ». Après déjà deux événements, à Hong Kong et à Barcelone, où il a reçu le tout premier Screendance Award, le duo créatif se réjouit de ce projet d’envergure. « C’est vraiment intéressant de partager notre parcours et nos histoires. Ça nous permet de faire le point sur nos propres œuvres, dont certaines qu’on n’avait pas regardées depuis plusieurs années et de vivre de grands moments de réflexion et de partage », ajoute la cofondatrice Marlene Millar.
C’est dans les années 1980 que Marlene Millar et Philip Szporer deviennent ami.e.s, au détour d’une audition de danse. Quelques années plus tard, en 1999, ils intègrent ensemble le centre interculturel de performance de Los Angeles pour étudier la relation entre la danse et les médias. « Étudier là-bas a complètement changé notre façon de voir la danse, et les médias. On côtoyait des gens de partout dans le monde, avec des visions très diverses. On avait accès à différentes tendances, ça ouvrait plein de pistes. Ça a teinté toute notre carrière », pense M. Szporer.
De retour à Montréal, le duo a commencé à créer. « On sentait que nos idées suscitaient de l’intérêt à l’époque, de la part des différents Conseils des arts, mais aussi des chaînes de télévision, au Québec, mais aussi à travers le Canada », se souvient Mme Millar. C’est en 2001 que Marlene Millar et Philip Szporer créent Mouvement Perpétuel. « Il y avait vraiment une belle place pour le ciné-danse, poursuit M. Szporer. À la télévision, sur la chaîne Bravo, ils étaient diffusés entre de grandes émissions très écoutées donc ça permettait vraiment que le grand public s’intéresse à ce qu’on faisait. Ça a donné de la visibilité à toute une génération de jeunes artistes ».
Cette « belle époque » a duré environ une dizaine d’années. En 2010, notamment avec l’arrivée des réseaux sociaux, Philip Szporer et Marlene Millar ont dû s‘adapter. « Au début, il n’y avait pas d’argent pour ces nouveaux supports alors on a décidé de retourner un peu aux bases, en s’alliant à des centres artistiques par exemple pour pouvoir monter des projets. Puis, petit à petit, les Conseils des arts se sont adaptés », décrit Mme Millar qui a été consultée, avec M. Szporer, par certains Conseils des arts pour donner leur avis sur des films de danse. Pour poursuivre leur travail, les deux passionné.e.s ont redoubler d’efforts pour démarcher les festivals, et ce, à travers le monde. « Notre défi était de se faire connaître, que les gens puissent voir nos films et on ne pense pas que tout mettre sur YouTube soit une solution. En tout cas, ce n’est pas la nôtre, ajoute M. Szporer. Diffuser à l’international, ça permet de provoquer des rencontres, des discussions de longue haleine et de côtoyer différentes cultures, ce n’est pas rien ! ».
Philip Szporer et Marlene Millar reçoivent le premier prix Screendance du festival international du film de danse Choreoscope, à Barcelone, en novembre 2025
Documenter les enjeux de la danse
Dès le début de leur carrière, Philip Szporer et Marlene Millar décident d’utiliser le format documentaire pour créer des films de danse. Avant Mouvement Perpétuel, M. Szporer était journaliste, notamment sur les ondes de Radio-Canada, et critique en danse. « À force d’interviewer des artistes, je pensais à des sujets, j’avais envie de traiter certains enjeux », se souvient-il.
Ainsi, le collectif a documenté la réalité de deux artistes, Eko Supriyanto et Sen Hea Ha, originaires d'Indonésie et de Corée, qui se confrontent à leurs racines traditionnelles et aux réalités contemporaines de la vie à Los Angeles ; un événement en l’honneur du dalaï-lama au Hollywood Bowl ; la vie et la carrière difficiles de Joan Myers Brown ou encore dressé plusieurs portraits de chorégraphes et danseur.euse.s à travers le Canada. Parmi eux, Susan Elliott, Anne Troake, Sarah Williams, Natasha Bakht, Nova Bhattacharya, Byron Chief-Moon plus récemment Zab Maboungou. À travers les années, ils ont aussi évoqué certaines questions autochtones, et de genre. « Après toutes ces années, on réalise que l’interculturel reste très enraciné dans notre point de vue, et nos choix. On n’avait pas de fil conducteur quand on choisissait un sujet, mais avec le recul, c’est pourtant ce qui ressort », explique M. Szporer. Pour Mme Millar, la curiosité reste l’élément principal qui guide leurs choix artistiques. « On essaye d’être toujours au courant, à l’affut, d’écouter ce qu’exprime les danseur.euse.s, les chorégraphes, le milieu », ajoute-t-elle.
Avec leurs 25 ans d’expérience, Marlene Millar et Philip Szporer ont vu le milieu de la ciné-danse évoluer et prendre une place grandissante, notamment avec la démocratisation de la vidéo. « Les artistes ont accès à d’autres formes d’expression et c’est super important, réfléchit M. Szporer. Tout le monde a un téléphone, donc une caméra et peut donner un point de vue différent. Ça a aussi donné de la place à différentes formes de danse, c’est intéressant. Grâce à cela, l’intérêt pour les films de danse a grandi dans les festivals notamment donc les connexions sont encore plus importantes qu’avant ». Pour Mme Millar, l’accès à des outils est en effet plus facile que jamais, mais ne permet tout de même pas d’oublier le reste. « On ne peut pas sauter toutes les étapes. Pouvoir filmer, c’est bien. Mais il faut quand même apprendre à faire des films », ajoute-t-elle. C’est d’ailleurs pour cette raison que Mouvement Perpétuel donne, depuis plusieurs années, des ateliers sur les questions, à des artistes en danse et en arts médiatiques. « C’est une façon pour nous de partager notre expertise et qu’une nouvelle génération s’engage dans la création. C’est fascinant de voir à quel point elle est plus touche-à-tout que nous à nos débuts. Ces jeunes-là ne commencent pas à zéro, ils ont déjà des armes », continue M. Szporer.
Pour les prochaines années, Marlene Millar et Philip Szporer ont déjà plusieurs projets en route, notamment un qui met en relation la danse et l’environnement. Ils souhaitent aussi « trouver toujours de nouvelles idées » et poursuivre leur travail. « 25 ans d’expérience, ça vient avec du recul et c’est une force », affirme M. Szporer. Pour sa complice de toujours, il reste important de « connecter avec le public ». « Ce qui nous distingue, c’est qu’on propose une expérience viscérale avec les spectacteur.rice.s, une intimité avec ce qu’ils et elles regardent dans nos films ».
Mouvement Perpétuel à Montréal
Les célébrations du 25e anniversaire de Mouvement Perpétuel s’arrêteront à Montréal le 8 janvier prochain avant de poursuivre leur tour mondial. Une projection spéciale de huit de leurs œuvres ainsi qu’une conversation publique aura lieu à la Galerie Dazibao, présentée en partenariat avec Vidéographe, un centre d’artistes qui soutient leur travail depuis de nombreuses années.
Les projets de trois artistes de la nouvelle génération de créateur·trice·s en cinéma-danse seront aussi diffusés durant la soirée, suivie d’un dialogue ouvert au public portant sur 25 ans de création à l’intersection de la danse, du cinéma et de la communauté.
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