U go, i go : L’intimité du hustle

©Boris Khramtsov

Les artistes Samuelle Auclair et Victor Vân Tran, AKA Savage & Samuelle, vont présenter leur toute première pièce chorégraphique, u go, i go, à Tangente du 9 au 12 octobre. Ancrés dans leur pratique du hustle, une danse sociale née dans les années 1970, ils proposent une œuvre sensible et espèrent susciter chez l’audience une curiosité sur ce style de danse, encore méconnu du grand public.

« On a vraiment une signature dans notre façon de danser le hustle donc on avait une curiosité naturelle d’aller plus loin, d’explorer cette connexion dans un format plus scénique », se souvient Victor Vân Tran. En effet, cela fait maintenant près de 10 qu’il danse le hustle, un style de danse qui se pratique davantage dans des contextes sociaux, festifs, mais rarement sur des scènes plus institutionnelles. Les seules chorégraphies qui se créent en hustle sont dans des formats de compétition ou de show case, soit des courts numéros de 3 à 5 minutes en général. Ainsi, avec u go, i go, le couple Savage & Samuelle a voulu « pousser les concepts » qu’ils utilisent au quotidien, mais aussi faire découvrir au public cette danse, née dans les années 1970 dans le Bronx, à New York. « Elle a émergé en premier lieu dans les communautés latines et était très liée à la musique dispo. Elle s’est ensuite développée dans les clubs, de façon très importante aussi auprès de la communauté queer, jusqu’à exploser : des gros concours à la télévision notamment étaient organisés », raconte Samuelle Auclair. Après ses années d’expansion, le hustle a perdu peu à peu de son intérêt auprès du public, mais est revenu en force autour des années 2010. « Plusieurs danseur.euses ont commencé à partager leurs recherches et leurs savoirs dans les communautés de streetdance, notamment parce que Jeff Selby, figure importante de la communauté house, s’est penché sur ce style. C’est aussi à ce moment-là qu’ensemble, on a commencé à se poser davantage de questions, à aller auprès des pionniers pour trouver des réponses, peaufiner les mouvements, comprendre les vraies origines du style, les bonnes techniques », poursuit la danseuse qui a commencé à son plus jeune et s’intéresse aussi aujourd’hui à la kizomba.

Ainsi, côté gestuelle, le hustle puise son pas de base dans le mambo. Des longues lignes de bras caractérisent aussi ce style, ainsi que des aller-retour lointains et fréquents entre les corps des interprètes. Des tours et des portées peuvent aussi compléter la danse. « On pourrait parler de latin embodied mouvement, dit Victor. C’est vraiment un mélange entre les cultures latines et noires ».

Une autre des particularités du hustle, et ce, depuis ses dernières, c’est que c’est une danse de partenaire sans rôles attitrés. Les hommes et les femmes peuvent être à la fois follow et leader. De plus, les couples formés mélangent aussi les genres. « Tout le monde peut danser avec tout le monde », résument Savage & Samuelle. Ce qu’ils aiment aussi dans ce style, c’est le fait de pouvoir danser sur toutes sortes de musiques. « On peut littéralement danser sur tout ce qu’on écoute et ça, c’est vraiment l’fun, exprime Samuelle. En plus, oui c’est une danse de partenaire, mais avec une distance respectueuse. Donc ce n’est pas intimidant de danser avec quelqu’un. Enfin, les pas de bases sont assez faciles à apprendre donc c’est accessible à un grand nombre de gens et c’est super de pouvoir connecter à plusieurs ». Pour Victor, c’est aussi la connexion qui lui plait et qu’il aime approfondir, dans la pièce, mais aussi dans ses pratiques quotidiennes. « Si tu vas deep dans la pratique, tu peux trouver un feeling, une transe même. Ça crée un moment, hypnotique, satisfaisant », ajoute-t-il.

©Shawn Kim

Agrandir la communauté

Comme plusieurs danses sociales, le hustle est porté par sa communauté de danseur.euses. Une des plus importantes se trouve à Vancouver, d’où vient Victor et où le couple s’est rencontré. « Chaque semaine, des cours gratuits, en extérieur, sont organisés et ça attire énormément de monde », raconte Samuelle. Depuis leur déménagement à Montréal il y a deux, les deux artistes ont connecté avec la communauté locale, qui est pour l’instant assez petite. « En à peine deux ans, on a déjà vu une évolution donc je pense que ça va dans le bon sens. Mais c’est encore une danse à faire connaître », ajoute Victor. Ainsi, avec leur création, u go, i go, Savage & Samuelle espèrent que le public, danseur ou non-danseur, voudra en savoir plus sur ce style, et pourquoi pas l’essayer. Le 10, avant le spectacle, un cours d’initiation est justement offert. « On a appris des pionniers, on continue d’apprendre et à pratiquer. On a vraiment modernisé la danse, en en faisant notre propre interprétation, tout en faisant le lien entre le passé et les possibilités futures. C’est ce qu’on souhaite transmettre aux les générations futures », explique Victor, aussi bboy dans plusieurs crews.

Enfin, avec cette première création, le duo souhaite aussi créer « un moment magique ». « On aimerait que les gens connectent avec nous, décèlent notre désir de travailler ensemble, de collaborer et qu’ils voient naître le beau résultat que ça crée, conclut Samuelle. Cette pièce est aussi faite pour réaliser qu’être connecté à quelqu’un n’est pas toujours parfait et demande des ajustements. On espère que la synergie et l’authenticité vont transparaitre ».

Savage & Samuelle

u go, i go

En programme double avec Jessica Joy Muszynski et sa pièce Tête-à-Tête

Du 9 au 12 octobre à Tangente
https://tangentedanse.ca/evenement/jessica-muszynski-savage-samuelle/

©Connory Ballantyne

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